Il a punaisé l’invitation au mur, à côté de son bureau. Rien de plus que des informations pratiques, mais il la décroche encore une fois, comme pour s’assurer qu’il a bien tout compris. « 360 possibles ». Deux jours en novembre.

C’est la DRH qui lui a déposé ce petit carton, en lui suggérant de s’inscrire. Elle sait pourtant qu’il n’a pas le temps. Comme tous les ans à la même période, l’entreprise est en surchauffe : les commandes affluent, la production s’emballe. Son père avait l’habitude de passer plusieurs fois par jour dans les ateliers mais lui n’en a plus l’énergie. Son propre stress lui en dit assez sur la tension qui s’est emparée des salariés.

« On n’en peut plus, Pierre, il faut qu’on s’organise autrement », lui a encore lâché hier l’un des cadres. Comme s’il ne s’en rendait pas compte ! Tous attendent de lui des miracles qu’il est bien incapable d’envisager. Il a pourtant toujours su comment la gérer, cette entreprise! Fabriquer et vendre des fenêtres, il sait faire. C’est donc ça, la cinquantaine?  Ce sentiment désagréable d’avoir raté un train?

Le petit jeu de la DRH n’arrange rien. Elle essaie de l’aider en lui soufflant des idées, comme ça, l’air de rien, mais ça ne fait que l’agacer. Il préférerait qu’une armée de consultants anonymes débarquent dans son bureau et lui inventent une solution sur mesure. Il les écouterait. Transformer sa PME, il n’a rien contre; c’est juste qu’il ne sait pas par où commencer.

La semaine dernière, Sophie lui a encore parlé de « désilotage » et de « lean manufacturing ». Il n’a pas osé lui demander de s’expliquer. Une fois seul, il a fait quelques recherches sur internet, mais tout ce qu’il a lu reste confus.

Machinalement, il tourne et retourne l’invitation cartonnée. « 360 possibles ». Peut-être qu’il pourrait juste y passer ?